A quoi reconnaît-on le héros d’une histoire ? Sûrement pas à un uniforme au milieu d’autres uniformes… si ce n’est que Henry MacQueen, notre héros, est lilliputien, à la fin du XIXe siècle. Le petit habit de pompier que nous sommes invités à regarder par le narrateur, s’emplit au fil des pages d’un personnage mal parti dans la vie. Enfant, Henry commet deux « vraies grosses bêtises » : il s’arrête de grandir à six ans, et met le feu à la maison en voulant lire Les Voyages de Gulliver à la lueur d’une bougie. Henry a désormais le feu dans le ventre et les mains, surtout face à la honte de son père, maire de New York…
Or New York, c’est aussi Dreamland, le parc d’attractions de Coney Island, et son village de lilliputiens, où Henry s’exile pour se sentir enfin chez lui. Lilliputia devient le lieu de son triomphe : un spectacle de pompiers nains dans lequel Henry sauve chaque jour la belle Nadja des flammes.
Pour que le feu s’apaise dans le ventre d’Henry, il faudra qu’une nuit un incendie bien réel menace Dreamland, et que les pompiers les plus petits surpassent les grands.
Peut-être moins âpre que Jésus Betz, histoire d’un homme-tronc à la voix d’or, Le Pompier de Lilliputia émeut tout autant avec sa peinture d’un être à part. Ampleur du format, ampleur du drame intérieur, éclat central de l’incendie en double page, font la force de cette histoire. Le lecteur est happé par la variation entre l’émotion contenue et la violence psychologique, reflet du feu réel. Tout cela accompagné d’une palette de couleurs chaudes (sombres ou lumineuses comme les émotions suscitées), nimbée dans la douceur de la peinture à l’huile. On retiendra comme note la plus intense de l’album l’image du père accroupi pour enlacer son fils, dans une posture délicate et tendre, qui clôt une histoire de filiation poignante.
François Roca et Fred Bernard sont les invités d’honneur du 32e Salon du Livre Jeunesse de Beaugency et Saint-Laurent-Nouan.
Le pompier de Lilliputia, de Fred Bernard et François Roca, Albin Michel, 2009