Les livres prennent soin de nous, pour une bibliothérapie créative, Régine DETAMBEL, Actes Sud, 2015 (Babel Essais).
L’auteur nous présente ici un essai riche de réflexions et de mises en perspective sur le pouvoir de la lecture. Fondée sur de nombreuses recherches universitaires (notamment celles de Michèle Petit) qui ont vu le jour depuis une quinzaine d’années autour de la question du pouvoir des livres, la problématique de Régine Detambel est double : transmettre ses réflexions, tout en offrant, de par sa formation de romancière et de soignante en milieu hospitalier, « une anthologie des meilleures approches thérapeutiques de la littérature ».
Qu’est-ce que la bibliothérapie ? L’idée de départ est simple : il s’agit bien de soigner des êtres en souffrance par les livres, dans le double mouvement qu’autorise l’acte de lire, à la fois en permettant de mettre des mots sur les douleurs, les sentiments et les émotions, mais aussi dans le temps suspendu qu’offre le moment de la lecture. Les premières expériences cliniques ont eu lieu vers 1916, en Alabama, pour tenter de soulager les militaires rentrés du front au moment de la Première Guerre mondiale.
Depuis, les pratiques anglo-saxonnes se sont orientées vers un biblio-coaching médical, où les prescriptions s’orientent non plus vers les ouvrages de fiction, mais vers des livres de psychologie grand public autour du mieux-être, ou bien les textes inspirés des thérapies comportementales proposant des méthodes précises pour maîtriser ses angoisses, lutter contre les idées noires, etc.
Or, ainsi que le souligne Régine Detambel, « parfois la question du sens est secondaire. Tout le plaisir est là. Et le vertige ». Le livre de psychologie, s’il peut toucher frontalement, ne permet pas la mise en place d’une activité psychique comparable à celle entraînée par la lecture d’une fiction qui autorise à réélaborer sa propre histoire.
Pour autant, il ne s’agit pas de faire un travail de documentaliste et de constituer des bibliographies thématiques… car l’intérêt n’est pas celui d’une simple prescription. « Le geste de bibliothérapie, le lien qu’il instaure sont évidemment plus profonds, plus subtils, et engagent une véritable relation de personne à personne, de lecteur à lecteur ». C’est dans la relation à l’autre, dans l’écoute et l’échange que vient se nicher le livre : « le travail discret du bibliothérapeute est simplement de pousser son lecteur à devenir le propre lecteur de soi-même ». Régine Detambel insiste ainsi sur la nécessité de se défier du pouvoir médical, souvent trop prompt à proposer des solutions hâtives et stéréotypées, mais aussi de la littérature en vogue sur le bien-être. Il est bon de rappeler à quel point le livre a le pouvoir d’arracher le lecteur à lui-même et de lui offrir la possibilité de se reconstruire, de s’échapper, de retrouver une envie, etc.
Élisabeth Roux