Je n’ai jamais dit, de Didier Jean et Zad, ill. Régis Lejonc, éditions Utopique, 17€
Le dessin de couverture de Régis Lejonc représente une fillette, le doigt sur la bouche, le regard interpelant le lecteur. Même chose sur la dernière de couverture avec un portrait d’adolescent : on pourrait y voir une incitation à se taire.
Sur la double page de garde, une carte muette du monde où chaque pays se voit attribuer une couleur différente. Sur la page suivante, un petit groupe, peut-être une famille, dont chaque membre a le doigt sur la bouche.
Chaque double page est structurée de la même façon : d’un côté, la phrase qui commence par « je n’ai jamais dit à personne », puis suit la révélation qui peut être d’ordre social , familial, professionnel… En bas, le prénom, l’âge, et le pays d’origine de la personne « qui dit ». Sur la page d’en face, l’illustration de Régis Lejonc donne des clés au lecteur pour qu’il puisse imaginer l’histoire qui n’est pas écrite … Travail remarquable où l’image met le sujet en situation, ce qui apporte une foule de renseignements sur la personne.
« Ceux qui disent pour la première fois » peuvent être des enfants, des adultes de différents âges et de toutes nationalités : la plus jeune Madelyn, est une Canadienne de 6 ans qui avait bouché la serrure de l’école avec une allumette, le plus âgé Mademba, un Rwandais de 87 ans qui aurait aimé changer le monde pour qu’on y vive en paix… . Ces histoires s’adressent à tous, petits et grands, chaque lecteur interprétera la révélation selon ses connaissances et ses propres références . Par exemple : » Je n’ai jamais dit à personne que pendant la guerre, j’ai sauvé la vie d’un soldat ennemi. » (Safiha . 37 ans. Kurde d’Irak). Ou encore : » Je n’ai jamais dit à personne que j’ai le vertige. » (Oksana 25 ans. Ukrainienne) L’illustration montre une acrobate qui évolue le long d’une corde.
Mais alors pourquoi les actes, les sentiments, les peurs, les rêves sont-ils restés si longtemps cachés, pour certains ? La timidité, la crainte des représailles, la lâcheté, la honte, la bienséance auraient-elles empêché la parole ?
La dernière double page reprend la carte du monde, mais cette fois en indiquant le prénom de la personne dans le pays qui lui correspond.
L’album ne dit pas si ce sont les « vraies confidences » de vingt personnes à travers le globe, ou si elles sont imaginées par les auteurs …
Un grand et bel album où, pour chacune des personnes, quelques mots brillamment illustrés donnent matière à la création d’une histoire singulière dans l’imaginaire du lecteur. Et vous, qu’est-ce que vous n’avez jamais dit à personne ?