Si on s’en tient au texte, c’est « une histoire d’amour toute simple » comme l’annonce la préface : il est maître nageur, elle fait de la natation synchronisée, ils se rencontrent à la piscine, il l’invite à un pique-nique, c’est le 14 juillet, il joue pour elle Jeux interdits à la guitare, ils vont à la fête foraine, au bal… Josette a la tête qui tourne, Georges l’embrasse, ils sont amoureux. Ils se marient, il lui offre un chien, mais ils ont aussi des désirs d’enfants. Ils ont 5 enfants. La vie se déroule avec ses aléas. Georges décède le premier. Alors chaque 14 juillet, Josette réunit ses petits enfants… C’est tendre, touchant, assez banal, pas de quoi faire un film !
Mais attention ! quand on s’attarde sur les illustrations, c’est tout bonnement génial, elle, c’est un gant Mapa rose, lui, un gant Mapa jaune, leur piscine, le bac à vaisselle de l’évier. Tout est à l’avenant. Une multitude d’innovations dans les détails, à chaque page, suscite l’attention du lecteur. On peut passer un temps fou sur chaque situation. La couverture donne le ton : Georges est assis sur une boite de concentré de tomate, Josette sur une boite d’allumettes, il porte un chapeau en forme de capsule de cannette de soda, elle en porte un, en forme de volant de badminton. Leur table ressemble à une tablette de chocolat posée sur un mug, ils sirotent une boisson dans un dé à coudre. Elle tient en laisse un chien, un scottish à poils durs, en forme de brosse. Ils se donnent la main. On les sent très amoureux ! Gilles Bachelet est très fort : une posture, un accessoire et on vit complètement la scène. Par exemple, Georges, assis sur le bord d’une jardinière de géraniums, joue jeux interdits sur sa guitare/passoire à thé, et Josette, les mains croisées sur les genoux, le cou tendu vers Georges, l’écoute amoureusement (même les fausses notes), à l’ombre d’un pot de cactus. Un peu plus loin, la gondole-souvenir du voyage de noces à Venise voisine avec les castagnettes qu’on imagine espagnoles, la poupée en coquillages de Concarneau, et les boules à neige de Bruxelles et de l’Ile Maurice. Le tout sur une étagère accrochée au mur tapissé de toile de Jouy dont le motif fait référence à un autre album de Gilles Bachelet « Le chevalier de ventre à terre« . Et à la page du désir d’enfants, les petits sèche-cheveux tètent leur mère, le canard WC veille sur sa couvée. Cet auteur de talent nous fait prendre sans sourciller des gants en caoutchouc pour des personnages humains doués de subtiles émotions, une brosse pour un chien, une saucière pour un berceau, un plumier pour un cercueil… Et on aime ça ! On a rapidement compris l’histoire mais ne se lasse pas de regarder comment Gilles Bachelet nous la raconte. Un superbe album qui réunit enfants et adultes, chacun décryptant les images avec ses propres références.
Une histoire d’amour, Gilles Bachelet, Seuil Jeunesse, 2017, 15€
Dans le cadre du salon du livre 2018, retrouvez l’exposition de Gilles Bachelet à la médiathèque de Saint-Laurent-Nouan, du 27 mars au 21 avril. Rencontre avec l’artiste sur le lieu de l’exposition le jeudi 12 avril à 17h30, puis sur le salon à Beaugency samedi 14 et dimanche 15 avril.